IMASSINE

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Le Royaume des Berghouata

Qui sont ces Berghouata? Qui ont régné de 742 à 1148, sans laisser la moindre trace dans l’histoire officielle. Leur nom ne figure nulle part dans les manuels scolaires d’histoire. Il est vraisemblable que tous les archives qui les concernant ont été délibérément détruits pour faire passer sous silence l’existence d’un peuple qui dérangeait les idéologies arabo-islamiques qui avaient dèja atteint une grande ampleur au Maghreb. Très peu savent que les Berghouata furent la dernière dynastie dont les rois étaient des marocains de souche, des fils du bled du premier jusqu’au dernier. Ils ont régné sur la région de Tamesna de Salé à Safi (ce qu’on nomme aujourd’hui le Maroc utile), surtout ils avaient leur propre prophète, leur coran et leurs rites. Ils étaient connus également sous le nom de Béni Tarif, d’après le nom du fondateur de la principauté, qui avait rejoint le dessident kharijite Mayssara et porter le glaive contre les conquérants musulmans. La plupart des historiens décèlent que les Berghouata, proviennent de la dynastie berbère des Bacchus, et que Tarif est un amazigh. Les berbères de Masmouda et Zénata ont désigné Tarif  comme chef.  Il fut considéré comme le fondateur de la principauté des Berghouata, mais son fils Salih qui passe pour être le fondateur spirituel et le créateur de la religion des Berghouata. Les Berghouata voulaient recréer une copie conforme dans le Maghreb sous le troisième prince de la lignée, Younès pour que la prophétie des Béni Tarif soit révélée.

        Il imposa une religion d’une manière de Coran comprenant quatre vingt sourates qui portaient presque toutes le nom d’un Prophète, on y comptait celui d’Adam, Ayoub, Pharaon, Harout…..Ni Salih qui avait peur pour sa vie, ni même son fils à qui son père a confié sa religion, sa science, ses principes et son « fiqh », ne se sont proclamés prophètes, ils restèrent tous deux partisans des Ibadites de la fraction des Kharijites (musulmans plaidant pour la démocratie et l’égalitarisme). Exactement comme l’avait fait, avant lui, le prophète Mohamed en Orient. Younès eut même recours à un autre verset du Coran pour faire prévaloir le statut mérité de son grand père en tant que prophète : « Et nous n’avons envoyé de Messager que dans la langue de son peuple » (sourate Ibrahim, verset, 4). Son argument est simple : Mohamed étant arabe, Salih a d’autant plus le droit de transmettre le message de Dieu auprès des siens au Maroc. Younès a même prédit que son grand-père allait réapparaître sous le règne du 7eme roi des Béni Tarif en tant que « Al Mehdi Al Mountadar » (inspiration chiite).

D’après l’historien Mouloud Achaq et selon Mohamed Talbi qui avance que la religion des Béni Tarif ne s’est pas totalement écartée se l’Islam. Elle s’est contentée de l’adapter dans une version amazighe, locale et indépendante de l’Orient, en se dotant d’un coran local et d’un prophète local. Ils voulaient probablement montrer qu’ils n’avaient pas de leçon à recevoir des despotes de l’Orient et qu’ils pouvaient produire leurs propres règles religieuses. Dans les faits, douze tribus seulement ont accepté la prophétie des Béni Tarif. Les autres tribus sous leur domination, et dont le nombre s’élevait à 17, ont gardé leur ancienne confession, l’Islam moutazilite. Or, les Berghouata sont comportés avec ces tribus comme des alliés et ne les ont pas persécutées au nom de la nouvelle religion. Au niveau de la population, les rites des Berghouata s’apparentaient de manière étonnante aux croyances païennes ancestrales et aux pratiques de sorcellerie, dont la sacralisation du coq, ils disent toujours, au lever du jour, « la tay wadane afellous » (le coq appelle à la prière). Selon l’orientaliste Nahoum Slouch, l’interdiction de manger la chair de coq proviendrait des Juifs du Machreq au Sahara. Ce qui a incité Slouch à affirmer que « la religion des Berghouata est musulmane dans sa forme, berbère dans ses rites et juive dans son fond et ses tendances ».

A une différence près : Les préceptes régissant le dogme, étaient nombreux et hétérodoxes, un jêune hebdomadaire du jeudi était obligatoire, la prière était faite cinq fois le jour et cinq fois la nuit, la prière publique se faisait à l’aurore (fjer) non le vendredi à midi (dhor), aucun appel (adène) à la prière ni rappel (ikamat). Une partie de leur prière  se faisait sans prosternement (rekât) et une autre à la façon Orthodoxe, ils récitaient la moitié de leur coran pendant qu’ils étaient debout et l’autre moitié pendant les inclinations. Le salut était en dialecte berghouati "Dieu est au dessus de nous, rien de la terre ni des cieux ne lui est inconnu ". Tout Berghouati pouvait épouser autant de femmes qui le lui permettaient ses possibilités mais il ne pouvait contacter union ni avec une musulmane orthodoxe ni avec une cousine jusqu’au troisième degré. Il peut répudier et reprendre ses femmes. Le menteur était flétri du titre d’el morhaier (qui s’éloigne de la vérité) et généralement expulsé du pays. Comme alimentation étaient illicites la tête et la panse des animaux.

La région de Tamesna, traversée de forêts et de ruisseaux, qu’est née l’idée de nature hantée. Quant à la réticence à manger la tête de certains animaux, dont le poisson, et l’interdiction de manger les œufs, elles sont toujours de rigueur chez certaines tribus des Masmouda qui se sont réfugiées dans le Souss, après la dissolution de la principauté des Berghouata dont la mise en échec n’a pas été chose facile, loin s »en faut. Qu’est-ce qui lui a donné une telle force de résistance.

Après le carnage de Oued Beht et celui du village de Timaghine, qui leur ont permis d’élargir leur domination au début du 10eme siècle, Abdellah Abou Al Ansar, un roi berghouati pacifiste et cultivé est arrivé au pouvoir. A l’inverse de ses prédécesseurs, a réussi à fédérer nombre d’alliés sans avoir à répandre le sang. Al Bakri raconte qu’il rassemblait ses hommes, préparait son armée et s’apprêtait à lancer des attaques contre les tribus avoisinantes. Lorsque ces derniers lui offraient des présents dans une tentative d’attirer sa sympathie et qu’il acceptait leurs présents, il dispersait ses hommes en signe de renoncement à l’attaque envisagée. Cette description montre à quel point les tribus entourant le royaume des Berghouata craignaient ces derniers et tenaient à maintenir une trêve avec eux, liées par un lien national propre aux Berghouata.

1- Lien des Béni Tarif, détenteurs du pouvoir et les leaders de l’alliance idéologique et         spirituelle du royaume.
2- Suivi des Masmouda, qui jouissaient d’un rang social privilégié.
3- Des Zénata et des Sanhaja, dont le rang social, s’étaient améliorés grâce à leur activité commerciale.
4- Toutes tribus soudanaises, grâce à leur bonne maîtrise du flux des caravanes provenant du Sahara.

A ce phénomène, Ahmed Siraj pense, quant à lui, que chez les Berghouata « les tribus faisaient les frontières », elles faisaient quelque 400 fortifications dans leurs villes stratégiques, telles Chellah, Fédala ou Anfa. Mais leur puissance réelle résidait dans leur force économique. Ils pouvaient selon Ibn Haouqal, avoir des échanges commerciaux même avec des gens d’Aghmet, du Souss et du Sijilmassa. Au point de vue agriculture, il suffit de citer Léon l’Africain « de blé égale du temps de ces hérétiques, l’abondance du blé était telle que les gens échangeaient une quantité à ce que pouvait porter un chameau, contre une paire de babouches »

.      Seulement, jusqu’en 1994 que les premières tentatives d’exploration de la mémoire des Berghouata qu’a commencé les travaux, dont le but initial était de constituer la carte archéologique de la région de Mohammedia, ont permis dans un premier temps de découvrir le site de « Makoul » que le géographe Al idrissi et l’historien Ibn Khatib signalaient sur la route reliant Salé à Marrakech. Après, ils ont découvert d’autres tombeaux empreints de motifs ornementaux à proximité de la route reliant Casablanca à Rabat, non loin de Oued El Maleh sur le site de Sidi Bouamar. Chose surprenante, des tombeaux similaires qui étaient également sous le pouvoir des Berghouata dans les régions de Chaouia, Doukkala et Abda. Même opération de recherche, on découvrit un site, évoqué d’ailleurs par l’historien Michaux Bellaire, que l’on nommait « cimetière des Mages (Al Majous) ». Ce lieu serait un des rares témoignages attestant de la mémoire collective des Berghouata et l’image que les musulmans avaient d’eux à l’époque.

Leur puissance militaire allait se manifester clairement lorsque le fondateur de la dynastie Almoravide, Abdellah Ibn Yassine, a essayé de les anéantir en 1059. Sur cet événement, Mouloud Achaq nous raconte : Ibn Yassine s’est aventuré dans cette péripétie sans préparation. Il croyait pouvoir vaincre les Berghouata alors qu’il venait du désert et que ceux qu’il venait combattre connaissaient mieux leur région, difficile à pénétrer. Il sera tué dans cette bataille et inhumé dans un village perdu du nom de Kérifla.

Le royaume des Berghouata a résisté plus de quatre siècles, en effet jusqu’au milieu de XIIe siècle, ils ont su sauvegarder leur souveraineté et leur indépendance. Ils ont subi les attaques successives des Idrissides, des Fatimides, des Zirides, des Zénata et même des Almoravides. Toutes ces puissances ne seront parvenues à les anéantir. Ce sont les Almohades qui en viendront à bout à ce royaume amazigh original, qui était un peuple d’une vaillance et d’une robustesse incomparable, hommes et femmes se distinguaient par leur beauté et par leur extraordinaire force musculaire. C’est par Abdelmounen ben Ali El Goumi de la dynastie des Almohades qui a probablement conduit à l’anéantissement du Maroc officiel et petit à petit effacé leurs traces, en important des tribus arabes de Tunisie pour remplacer les tribus affiliées aux Berghouata et en changeant l’appellation de la région (Tamesna) par Chaouia. Ainsi, le directeur de l’Institut royal des études d’histoire, Mohamed Kabli, nous assure que le manuel de l’histoire du Maroc en cours de préparation recèlera pour la première fois le peu qu’on sait sur la dynastie des Berghouata.




29/10/2009
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